From: myriam levain

Le récit d’une vie, ça tient en combien de pages?

Lorsque nous parlons de notre activité chez Milim, nous nous entendons répondre régulièrement: «Je n’ai rien à raconter», «L’histoire de ma famille n’est pas intéressante», «Chez moi, il ne s’est rien passé d’incroyable», «Le récit de ma vie ne fera que quelques pages»… Beaucoup de gens croient qu’il faut s’appeler Winston Churchill ou Michelle Obama pour rédiger ses mémoires. Pourtant, il suffit de quelques minutes de discussion pour découvrir que chaque famille, même la plus banale en apparence, a vécu son lot d’aventures, de vaudevilles ou de drames, dont l’écho se transmet de génération en génération, sans que l’on n’arrive toujours à poser des mots dessus. Des vies qui, bien sûr, méritent d’être racontées, sur davantage que deux ou trois pages.

Avec nos témoignages biographiques sonores et écrits, nous proposons de vous accompagner dans ce processus, en interviewant vos proches, vos ami·es, vos collègues, et en en fabriquant un podcast et un livre. Si la démarche s’avère enrichissante pour les personnes que nous interrogeons et leur entourage, elle l’est tout autant pour nous, qui découvrons, au fil de l’échange, un parcours riche de rencontres, d’interrogations, de joies, de peines, de hauts, de bas, de succès, d’échecs. La vie, en somme. Entrer dans l’intimité de quelqu’un, c’est découvrir des choix qui auraient pu être les nôtres ou ceux de nos parents, qui le sont d’ailleurs parfois, c’est à la fois se projeter et écouter. Quelle que soit notre origine et notre trajectoire, nous faisons face aux mêmes questionnements, et c’est ce que nous découvrons chaque jour en travaillant chez Milim. L’intime est universel, on ne le répètera jamais assez.

Elisa Azogui-Burlac et Myriam Levain

« Les enfants des autres »: Transmettre sans être parent

Au cœur du nouveau film de Rebecca Zlotowski, Les Enfants des autres, il y a de nombreuses problématiques allant de la belle-maternité à la naissance d’un nouvel amour en passant par le deuil. Mais il y a une thématique qui nous est particulièrement chère chez Milim, c’est celle de la transmission. Au début du film, la protagoniste Rachel, jouée par Virginie Efira, n’est en effet ni en couple ni  mère à 40 ans, et se retrouve confrontée à la question des liens familiaux et de la transmission. Que transmet-on et à qui quand on n’est pas parent? Et quand on l’est, transmet-on pour autant?

Le film répond en partie à cette interrogation existentielle et propose plusieurs pistes. Déjà en faisant du personnage de Rachel une prof, qui suit certains élèves de plus près que d’autres et s’investit pleinement dans sa profession, centrale dans le partage des savoirs. Et comme la plupart d’entre nous, Rachel est aussi une sœur, une fille, une amante, une amie, une tante, une belle-mère… autant de rôles qui la mettent en position de léguer ce qu’elle vit et ce qu’elle sait. Car la transmission a-t-elle une autre vocation que celle de nous rassurer sur l’utilité de notre passage ainsi que sur les traces que nous laisserons ? Si la question se pose de façon plus aiguë pour une personne célibataire n’ayant pas d’enfants, elle est finalement assez universelle. La comédienne Virginie Efira, à la fois mère et en couple, dit d’ailleurs en interview que la lecture du scénario Les enfants des autres l’a renvoyée à sa propre solitude d’être humain. À cette question aussi vertigineuse que passionnante, la réalisatrice Rebecca Zlotowski, qui ne cache pas la part largement autobiographique de ce film, répond de façon lumineuse avec un film qui devrait parler au plus grand nombre.

Myriam Levain

Mémoire et filiation au cœur de la rentrée littéraire 2022

Si le prix littéraire Milim existait, nous aurions l’embarras du choix pour la sélection, tant la rentrée littéraire est riche en plumes explorant leur héritage familial. Qu’il s’agisse d’une mémoire géographique (l’Algérie de Kaouther Adimi et Emmanuel Ruben, le Liban de Sabyl Ghoussoub, le Sénégal d’Amina Richard, le Kurdistan de Mehtap Teke, la Russie de Polina Panassenko, l’Espagne de Maria Larrea…) ou d’une quête psychanalytique –Anthony Passeron, Maud Simonnot, Emma Marsantes, Sarah Jollien-Fardel, Xavier Le Clerc écrivent sur le sida, le deuil, le suicide, la maltraitance et la misère qui ont marqué leurs familles. Enfin la mémoire de la Shoah est encore vivace et se trouve au cœur des romans de Lola Lafon, Cloé Korman, Sonia Devillers et Joachim Schnerf.

La transmission familiale est un puits sans fond de création littéraire et n’a pas attendu 2022 pour s’inviter dans les pages des romans, mais toutes ces autrices et auteurs ont en commun d’aller chercher directement l’inspiration dans les bagages de leurs parents, ceux qu’ils n’ont pas réussi à ouvrir ensemble, et que la plus jeune génération est parfois lassée de trimballer. Une démarche dans laquelle nous nous reconnaissons parfaitement et qui est à l’origine même de notre société Milim: il flotte décidément dans l’air de cette rentrée un parfum d’enquête et de quête familiales.

Myriam Levain

Dans les albums de famille nazis

Les photos de famille n’en finissent pas de révéler leurs secrets, même quand ce ne sont pas les plus glorieux. La journaliste Johanna Luyssen a remonté le fil d’un cliché en noir et blanc, légendé et daté de 1945, trouvé par hasard dans une cabine téléphonique berlinoise il y a deux ans. Son enquête fait l’objet d’un article publié cette semaine dans Libération, qui revient sur les années nazies, et interroge à la fois le rapport à la mémoire collective et à la mémoire familiale.

Entre déni, loyauté et culpabilité, l’histoire des enfants Ludin prenant ce paisible bain en 1945 est une histoire «typiquement allemande» comme il est dit dans l’article. Et comme dans toute transmission familiale, chaque génération s’empare de son histoire comme elle le peut, en essayant de vaincre les tabous qui persistent, afin d’écrire les chapitres suivants le plus librement possible.

Myriam Levain

« Newer